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  Leonardo Cremonini

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Durant l’hiver 2017, la galerie T&L à Paris organisait la première rétrospective consacrée au peintre italien Leonardo Cremonini décédé en 2010. Si certains voient en lui de lointaines accointances avec Edward Hopper ou encore Lucian Freud, il y a également dans la peinture de Leonardo Cremonini des thèmes chers aux peintres de la Figuration narrative, qui agitent les années 60, et parmi eux les atrocités de la guerre d’Algérie.
Dans la présentation ci-dessous, rédigée au moment de la disparition de l’artiste, l’historienne Anissa Bouayed revient sur l’importance de la guerre d’Algérie dans son œuvre.

Le peintre Leonardo Cremonini vient de s’éteindre à Paris [12/04/2010], à l’âge de 84 ans. Né en 1925 à Bologne, Cremonini y fait la première partie de ses études artistiques avant d’intégrer les Beaux arts de Milan. Attiré par Paris il s’y installe dès le début des années 1950 et devient l’un des ceux qui renouvellent la figuration. Les notices qui condensent la vie et l’œuvre d’un artiste au moment de son décès opèrent des raccourcis peu compréhensibles. Ainsi pour Cremonini dont la dépêche AFP dit simplement que ce peintre passe à partir de 1960 de la peinture de paysages et de scènes de genres à des représentations marquées par des tensions et des violences. Il est donc important de préciser que c’est la violence de la guerre coloniale faite au peuple algérien qui marque un tournant dans son œuvre.

Avec "Torture", "Tête torturée", "Désarticulation de la guerre civile", toutes trois de 1961, Cremonini donne trois visions insoutenables de la torture érigée en système. Il s’agit des œuvres parmi les plus fortes dénonçant la torture, à peine figuratives, dans un monochromatisme rouge éminemment saisissant. Les spécialistes de son œuvre, Max Clarac-Sérou ou Pierre Gaudibert, avaient en leur temps indiqué qu’il s’agissait de tableaux-charnières dans son œuvre et ses préoccupations esthétiques et philosophiques.

Nulle complaisance face aux bourreaux, et une grande lucidité face à l’histoire. Dans les mêmes années, Cremonini comme d’autres peintres, utilisent le thème de la manifestation de rue pour contester la légitimité du pouvoir français qui poursuit la guerre alors que les manifestants dans les rues de Paris, réclament au contraire d’arrêter la guerre : Alors que le mot d’ordre le plus fréquemment utilisé dans les cortèges était "Paix en Algérie", Cremonini transcrit dans la toile le texte d’une banderole au slogan très explicite : "Algérie algérienne". Le cadrage de la toile, très particulier, retient tel un zoom, une image tout à la fois partielle et représentative d’une volonté collective, d’une multitude en mouvement. Le titre de l’œuvre reprend le slogan : "Algérie algérienne".

D’autre part, Cremonini est l’un des rares peintres européens créant à Paris à avoir voulu représenter la force irrépressible des manifestations à Alger : œuvre d’imagination, sa toile délaisse la facture réaliste pour une évocation presque abstraite de l’élan qui animait les manifestations de décembre 1960 à Alger. Des formes lumineuses, denses, verticales, saturent l’espace de la toile, se tendent ensemble, comme par milliers. Là encore, le titre est sans équivoque : "Opposition des masses à Alger, 1960" [ci-contre]. En 1964, le peintre offrit cette œuvre à l’Algérie. Elle est aujourd’hui au musée des beaux arts d’Alger.

Lors de la préparation de l’exposition "Les peintres internationaux et la Révolution algérienne" en 2008, et malgré la maladie, Leonardo Cremonini nous avait beaucoup aidés en prêtant ces œuvres qu’il a toujours gardées avec lui. Il continuait de s’intéresser à l’Algérie avec passion.

Peintre dont les œuvres sont présentes dans tous les grands musées du monde, dont le travail a été commenté par les grands écrivains de son temps, d’Italo Calvino à Umberto Eco ou à Moravia, Cremonini nous reste particulièrement proche. "Prenez-y garde, Cremonini restera" avait dit Régis Debray. Ceci n’est pas pour nous une vérité extérieure mais bien une intime conviction. (Crédit Photo : Leonardo Crémonini, Opposition des masses à Alger, 1960, gouache sur papier, 45,5 x 73 cm, Musée national des Beaux-Arts d’Alger (don de l’artiste en 1964)


Porfolio > "Addio Cremonini, ottimista della pittura" > La Repubblica


 21 septembre - 10 novembre 2018, "L’Algérie pour mémoire", témoignages autour de La Question 1958-2018, Paris / Centre culturel algérien
 30 novembre - 23 décembre 2017, "Leonardo Cremonini 1925-2010", Paris / Galerie T&L
 28 avril - 19 juin 2008, "Les Artistes internationaux et la révolution algérienne", Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger (Mama), 25, rue Larbi Ben M’Hidi, Alger, Alger, Tel. : +213 (0)21 30 21 30
 9 mars - 6 mai 2006, Paris / Galerie Claude Bernard
 26 - 30 gennaio 2006, Fiera internazionale d’arte contemporanea di Bologna - Arte Fiera 2006


 Catalogue de l’exposition "Les Artistes internationaux et la révolution algérienne", 28 avril - 1er juin 2008, Musée national d’art moderne et contemporain d’Alger
 L’Art et l’Algérie insurgée d’Anissa Bouayed, Préface d’Henri Alleg (Alger, ENAG, 2005)
 La France en guerre d’Algérie. Novembre 1954 - juillet 1962, dir. Laurent Gervereau, Jean-Pierre Rioux, Benjamin Stora, (Nanterre, Musée d’histoire contemporaine/BDIC, 1992)
Ouvrage publié à l’occasion de l’exposition du Musée d’histoire contemporaine de la Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC), 4 avril - 28 juin 1992
 Catalogue de l’exposition "L’Art et la révolution algérienne", 4 septembre - 30 novembre 1984, Musée national des Beaux-Arts d’Alger

 


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