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  Allers-retours de Ödön von Horváth

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Allers et retours se passe sur un pont qui enjambe une rivière et tient lieu de frontière entre deux Etats, avec des douaniers chatouilleux sur le règlement. Après la faillite de son petit commerce, un type est expulsé d’un pays où il a passé un demi-siècle, avant d’être refoulé de l’autre côté de la frontière, son pays de naissance où, à cause de nouvelles lois, il est considéré comme un étranger. Coincé sur ce pont où il effectue d’incessants allers-retours, il va peu à peu contribuer à retisser des liens entre les deux rives, portant des messages personnels et allant jusqu’à permettre l’arrestation de contrebandiers notoires, ce qui lui vaudra d’obtenir un laissez-passer pour retrouver et épouser une femme d’en face dont il vient de faire la connaissance.

Devant cette comédie de Odon von Horvath où le tragique le dispute à l’humour né de péripéties extravagantes, où "la démesure côtoie la dérision", le metteur en scène dit avoir eu le souci d’inscrire son travail dans les constants "allers-retours" "entre le ridicule et le cynisme des personnages". La mise en scène d’Ahmed Khoudi trouve son rythme dans un décor aux lignes sobres et efficaces, où des comédiens à l’assurance tranquille comme Lounès Tazaïrt (le banni), ou à l’énergie communicative comme Jean-François Maenner (un fantasque Premier ministre en mission secrète), incarnent une galerie de personnages oscillant sans cesse "entre le plus noir désespoir et la plus joyeuse vitalité". Des retournements continuels où derrière l’âpreté et la sécheresse des déclarations affleure cependant une humanité bridée.

Dans cette comédie aux allures de farce kafkaïenne, Ödön von Horváth (1901-1938) se joue des frontières et des interdits. Lui, le Hongrois de langue allemande, né en 1901 à Fiume (ancien nom italien de la ville aujourd’hui croate de Rijeka). Lui, le fils de diplomate austro-hongrois, qui a vécu au gré des affectations de son père à Presbourg (auj. Bratislava), Venise, Budapest, Belgrade, Munich ou Vienne. Lui, qui a grandi à Budapest, qui a étudié la littérature à Munich et dont les pièces furent interdites, dès 1933 en Allemagne, par le pouvoir nazi. Malgré le succès des représentations berlinoises de Nuit italienne (Italienische Nacht) et Légendes de la forêt viennoise (Geschichten aus dem Wienerwald) en 1931, il avait alors dû s’exiler. Après l’entrée des troupes allemandes en Autriche, Horvath quitte Vienne pour Budapest, puis Prague et Paris où il est mort en 1938, un jour de tempête, le cou brisé par la chute d’un arbre.

A propos de ses pièces inscrites dans la tradition viennoise d’un théâtre populaire et critique, il parlait lui-même de "continuation", de "renouvellement du vieux théâtre populaire, d’un théâtre qui parle des problèmes, des questions qui préoccupent le peuple", avant d’ajouter, dans toutes mes pièces, je n’ai rien embelli, rien enlaidi. J’ai tenté d’affronter sans égards la bêtise et le mensonge ; cette brutalité représente peut-être l’aspect le plus noble de la tâche d’un homme de lettres qui se plaît à croire parfois qu’il écrit pour que les gens se reconnaissent eux-mêmes". Joué en Europe dans les années cinquante, le théâtre de Horváth connaît un regain d’intérêt depuis le tournant des années 90. Avec Allers-retours qui résonne des crispations actuelles autour des questions de frontières, de nationalismes et de migrations, l’auteur de Un fils de notre temps n’a pas fini d’être notre contemporain.

Allers-retours est ici le fruit d’un compagnonnage qui se poursuit entre le Centre dramatique de La Courneuve et le metteur en scène algérien Ahmed Khoudi, une aventure entamée en 2003 avec la création de La Nuit du doute d’Arezki Metref. "En lui demandant de diriger ce travail avec notre troupe, estime son directeur Dominique Brodin, nous avons fait le choix de renforcer encore l’universalité du propos de Horváth qui se révèle comme un visionnaire. Ce pont, passage symbolique, ne pourrait-on pas imaginer, après tout, qu’il enjambe aussi la Méditerranée ?"

Né en 1952 aux Issers à l’est d’Alger, ancien élève de l’École d’art dramatique de Bordj el-Kiffan, puis de L’Insas à Bruxelles, Ahmed Khoudi est metteur en scène, directeur de théâtre et professeur d’art dramatique. En mai 2006, il a signé une mise en scène en arabe de La Maison de poupée d’Henrik Ibsen et, avec ses étudiants de l’Institut supérieur des métiers de l’audiovisuel et des spectacles (Ismas), La Nuit des rois de William Shakespeare.



 28, 29 et 30 juin 2007, La Courneuve, 3 représentations exceptionnelles en plein air, par le Centre dramatique de la Courneuve
 22 novembre - 17 décembre 2006, Centre culturel Jean Houdremont, Tel. : 01 48 36 11 44



Allers et retours (Hin und Her, 1934)
de Ödön von Horváth
Traduction d’Henri Christophe
in Téâtre complet, T. 4
(Paris, L’Arche Editeur)
Mise en scène d’Ahmed Khoudi
Avec Marc Allgeyer, Zahir Boukhenak, Dominique Brodin, Damiène Giraud, Maria Gomez, M’Hamed Hadj Messaoud, Stéphanie Liesenfeld, Jean-François Maenner, Jean-Luc Mathevet, Jean-Pierre Rouvellat, Lounès Tazaïrt
 Une production du Centre dramatique de la Courneuve

Lire : Ödön von Horváth : Repères biographiques, catalogue chronologique de l’oeuvre, établi par Heinz Schwarzinger (Paris, Christian Bourgois, 1988)

 


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