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  Gisèle Halimi

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Djamila Boupacha

Après une entrée au Panthéon qui n’aura pas lieu et un hommage national en 2022 aux Invalides repoussé, une cérémonie d’hommage à l’avocate Gisèle Halimi, figure du féminisme du XXe siècle, morte en 2020 à l’âge de 93 ans, a finalement été organisée le 8 mars, à l’occasion de la Journée internationale des droits des femmes. Elle s’est tenue au palais de justice de Paris, en présence du président Emmanuel Macron.
Serge Halimi, journaliste et ex-directeur du Monde diplomatique a annoncé qu’il ne participerait pas à l’hommage à sa mère, notamment parce qu’il survient en pleine mobilisation contre une réforme des retraites que la militante féministe aurait combattue, "une réforme des retraites extrêmement injuste dont les femmes qui occupent les métiers les plus difficiles seront les premières victimes". Serge Halimi suit en cela la position exprimée par Violaine Lucas, la présidente de l’association Choisir la cause des femmes, fondée par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir en 1971.

Un livre d’entretiens entre Gisèle Halimi et la journaliste Annick Cojean avait été publié en août 2020 (Grasset), peu avant la disparition de l’avocate. L’ouvrage, qui revient sur quelque soixante-dix ans de combats et d’engagement au service de la justice et de la cause des femmes, fait la matière d’un spectacle hommage intitulé Gisèle Halimi, une farouche liberté. Porté par les comédiennes Ariane Ascaride et Philippine Pierre-Brossolette qui lui prêtent leurs souffles et leur énergie communicative, le spectacle est visible du 5 mars au 6 avril à La Scala à Paris.

Ancienne avocate, militante des droits des femmes et figure de l’opposition à la guerre d’Algérie, Gisèle Halimi n’entrera pas au Panthéon. Elle a été remplacée par Josephine Baker, artiste de music-hall d’origine américaine, militante des droits civiques, engagée dans la Résistance et considérée comme la première vedette noire mondiale. Le président Emmanuel Macron avait annoncé, lundi 23 août 2021, qu’il rendrait à Gisèle Halimi un hommage national en 2022 aux Invalides, "en accord avec sa famille". L’hommage promis n’a toujours pas été rendu et le projet semble au point mort, alors que l’on commémore les 50 ans du procès de Bobigny, le 8 novembre 1972, une victoire retentissante de l’avocate Gisèle Halimi, qui défendait Marie-Claire Chevalier et sa mère, poursuivies pour l’avortement illégal de la jeune femme, victime d’un viol à l’âge de 16 ans, un procès qui s’était terminé par l’acquittement de l’adolescente et a ouvert la voie à l’autorisation de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en France, en 1974.

Dans le rapport de mission sur la mémoire de la colonisation et de la guerre d’Algérie, remis le 20 janvier 2021 par l’historien Benjamin Stora à Emmanuel Macron, parmi 22 propositions qui forment autant de passerelles entre France et Algérie sur des sujets toujours sensibles comme les disparus de la guerre, les essais nucléaires dans le Sahara ou le partage des archives, l’une des préconisation portait sur l‘"entrée au Panthéon de Gisèle Halimi [1927-2020], grande figure de l’opposition à la guerre d’Algérie", une panthéonisation également réclamée par des collectifs féministes et des élues après le décès de l’avocate. Mais d’après France Inter (14 mai), le chef de l’Etat allait y renoncer, "en raison des prises de position de Gisèle Halimi pendant la guerre d’Algérie".
La dernière femme à y être entrée est Simone Veil, en 2018. Elle est seulement la cinquième femme depuis la création du Panthéon en 1791.

Avocate et figure de la lutte pour les droits des femmes, Gisèle Halimi est décédée, le 28 juillet 2020 à Paris, à l’âge de 93 ans. Longtemps sur la brèche, malgré l’âpreté des combats menés pendant plus d’un demi-siècle, Gisèle Halimi s’est tour à tour illustrée contre l’usage de la torture pendant la guerre d’Algérie, pour l’avortement libre, contre le viol et enfin pour l’abolition de la peine de mort et la parité hommes-femmes. Plusieurs livres reviennent sur les temps forts de la carrière très médiatique de l’Avocate irrespectueuse (2002), comme Djamila Boupacha (1962), Le Procès de Burgos (1971), Avortement : une loi en procès. L’affaire de Bobigny (1973), Viol : le procès d’Aix-en-Provence (1978), Choisir de donner la vie (1979), Femmes : moitié de la terre, moitié du pouvoir (1994) et enfin L’Etrange monsieur K. (2004), où elle est à l’origine de la révision du procès d’un ouvrier algérien, accusé en 1977 d’avoir sauvagement assassiné une vieille femme de son quartier et condamné à vingt ans fermes malgré l’absence de preuves. L’affaire mobilisera de nombreux intellectuels et artistes comme Claude Mauriac, Roland Barthes, Michel Foucault, Miou-Miou et Julien Clerc.
Initié avec La Cause des femmes (1973) et poursuivi avec Le Lait de l’oranger (1988), son cycle autobiographique a été clos par La Kahina, dans lequel Gisèle Halimi redonne vie à cette reine berbère au destin exceptionnel, qui commanda aux hommes et résista aux troupes du général arabe Hassan, des montagnes de l’Aurès aux plaines de l’oued Nini au VIIe siècle.

Née Zeiza Gisèle Elise Taïeb en 1927 à La Goulette en Tunisie, d’un père berbère et d’une mère juive, Gisèle Halimi a obtenu son brevet d’avocate à Tunis en 1948 avant d’entrer au Barreau de Tunis, puis de partir exercer à Paris en 1956. Durant la guerre d’Algérie, Gisèle Halimi devient l’une des avocats des militants du FLN. Elle se fera remarquer par sa défense de Djamila Boupacha qui fut accusée d’avoir déposé une bombe et torturée par des militaires français durant sa détention à Alger.
Quelques années plus tard, avec la guerre du Vietnam, lorsqu’est créé le tribunal Bertrand Russell pour "comprendre pourquoi le petit peuple de paysans [vietnamiens] endure depuis plus de vingt ans les assauts de la plus grande puissance industrielle de la terre, dotée des moyens militaires les plus modernes et les plus cruels", Gisèle Halimi préside la commission d’enquête générale du Vietnam. En deux sessions, se souvient l’avocate, le tribunal déclarera les États-Unis coupables d’utilisation d’armes interdites, de traitements inhumains des prisonniers, de traitements inhumains des populations civiles et de génocide."

Au tournant des années 1970, elle participe aux grandes mobilisations féministes et fonde le mouvement "La Cause des femmes" avec Simone de Beauvoir. Au printemps 1971, elle se charge de récolter les signatures pour un manifeste qu’un journal satirique appellera le "Manifeste des 343 salopes", dans lequel ces dernières déclaraient avoir avorté et profitaient de cette tribune pour réclamer le libre accès aux moyens anticonceptionnels et à l’avortement libre. Cette pétition contre une loi de 1920, qui faisait de l’interruption volontaire de grossesse un crime, a fait grand bruit et a été largement soutenue par le gratin culturel de l’époque, à l’image de Delphine Seyrig, Christiane Rochefort, Françoise Sagan, Marguerite Duras et Catherine Deneuve. Les pressions exercées dès lors contre quelques femmes, "déterminèrent à créer le mouvement "Choisir" pour les défendre, pour en être solidaires". Simone de Beauvoir en fut la présidente.

C’est l’année suivante qu’a lieu le célèbre procès de Bobigny, durant lequel l’avocate a défendu avec succès Michèle Chevalier alors jugée pour avoir aidé sa fille Marie-Claire, mineure, à avorter. Ce procès, qui donna l’occasion de dénoncer une loi hypocrite, ouvrait à sa façon la voie à la loi de 1975, adoptée par le Parlement français, autorisant l’interruption volontaire de grossesse. A l’issue du procès, "pour rompre avec le silence, le huis clos, la culpabilité des femmes", "Choisir" décida la publication des débats, interdite par la loi sur la presse.
Le Procès de Bobigny fera la matière d’une fiction de François Luciani, diffusée en avril 2006 sur France 2, avec Anouk Grinberg dans le rôle de l’avocate.

Candidate sur les listes de gauche en 1967, aux élections législatives à Paris, députée socialiste de l’Isère sous le premier septennat de François Mitterrand (1981), elle comptait en 1998 parmi les fondateurs de l’association altermondialiste Attac. L’activiste palestinien Marouane Barghouti lui a également demandé d’être l’une de ses avocat.e.s, lors de son procès en 2004.

En mai 1978, à Aix-en-Provence, devant les assises des Bouches-du-Rhône, Gisèle Halimi représente deux jeunes femmes belges qui ont porté plainte contre trois hommes qu’elles accusent de les avoir violées, quatre ans auparavant, alors qu’elles campaient dans une calanque. Les trois hommes qui plaident non coupables seront condamnés. Ce procès ouvre la voie à la loi de 1980, qui reconnaît le viol comme un crime.
L’affaire a fait l’objet d’un documentaire, Le Procès du viol, de Cédric Condon (2014) et d’un téléfilm, Le Viol, d’Alain Tasma (2017).

Pour les besoins d’un téléfilm sur l’avocate Gisèle Halimi et la militante algérienne du FLN dont elle a assuré la défense en 1960, Djamila Boupacha, la réalisatrice et scénariste Caroline Huppert a fait appel à Marina Hands (Lady Chatterley) et Hafsia Herzi (La Graine et le mulet). Intitulé Pour Djamila et produit par Barjac production pour France 3 et Arte, le film a été tourné en France et au Maroc. Pour Djamila a été montré une première fois le 20 mars 2012 sur France 3, en marge de la commémoration des Accords d’Évian signés le 18 mars 1962 et qui ont mis fin à la guerre d’Algérie.

En 2007, Serge Moati lui consacrait un portrait documentaire intitulé Gisèle Halimi, l’insoumise (Rediff., 23/07 sur France 5). Le film est l’occasion de retourner avec la célèbre avocate, de Paris à Tunis et Alger, sur le roman d’une vie de combats qui vont de son engagement auprès des nationalistes tunisiens et algériens aux luttes pour l’interruption volontaire de grossesse (IVG) et les droits des femmes. (Photo D.R.)

> 5 mars - 6 avril 2023, Paris / La Scala

Gisèle Halimi, une farouche liberté
Texte de Gisèle Halimi et Annick Cojean
Mise en scène : Léna Paugam
Adaptation : Agnès Harel, Philippine Pierre Brossolette et Léna Paugam
Interprétation : Ariane Ascaride et Philippine Pierre Brossolette


 28 juin - 1er août 2022, Commémoration des 50 ans du procès de Bobigny, Paris / Bibliothèque Marguerite-Durand, 79, rue Nationale, Paris 13e
 4 avril 2022, de 20 h à 22 h, Soirée hommage "Gisèle Halimi, une visionnaire", en présence de nombreu.x.ses invité.e.s et notamment de Djamila Boupacha, sur France Inter / En direct du Studio 104
 1 - 23 octobre 2021, commémoration du 60e anniversaire du 17 octobre 1961 : exposition Gisèle Halimi et l’affaire Djamila Boupacha, Bobigny / Hôtel de ville, 31 avenue du Président Salvador-Allende, entrée libre
 14 novembre 2012, Rencontre avec Gisèle Halimi, avocate, suivie du film Le Procès de Bobigny de François Luciani (2006), Bobigny / Magic Cinéma / 12e Festival Résonances
 14 juin - 7 juillet 2012, "Les Femmes d’Alger" de Mustapha Boutadjine, Paris / Vivienne Art Gallery


Bibliographie

Une farouche liberté
Gisèle Halimi avec Annick Cojean
(Paris, Grasset, 2020)

 Histoire d’une passion
(Plon, 2011)
 Ne vous résignez jamais
(Paris, Plon, 2009)
 La Kahina
(Plon, 2006)
(Alger, Barzakh, 2007)
 L’Etrange monsieur K.
(Plon, 2004)
 Avocate irrespectueuse
(Plon, 2002)
 Fritna
(Plon, 2000)
 La Nouvelle cause des femmes
(*, 1997)
 Une embellie perdue
(Paris, Gallimard, 1995)
 Le Lait de l’oranger
(Gallimard, 1988 ; Folio, 1990)
 La Cause des femmes
(Gallimard, 1973)
 Le Procès de Burgos
Préface de Jean-Paul Sartre
(Gallimard, 1971)
 Djamila Boupacha
Préface de Simone de Beauvoir
Dessin de Picasso en couverture
Contributions de Robert Lapoujade et Roberto Matta
(Gallimard, 1962 ; Rééd., 2000)

En collaboration avec "Choisir"/La Cause des femmes :

 Le Procès de Bobigny
Préface de Simone de Beauvoir
Avec un texte inédit de Marie-Claire C.
(Nouvelle édition, Gallimard / "Choisir" - La cause des femmes, 2006)
 Femmes : moitié de la terre, moitié du pouvoir
(*, 1994)
 Choisir de donner la vie
(*, Collection Idées, 1979)

 Viol : le procès d’Aix-en-Provence
(*, Collection Idées, 1978)

 Avortement : une loi en procès. L’affaire de Bobigny
Préface de Simone de Beauvoir
(*, Collection Idées, 1973)


Filmographie

 Gisèle Halimi, l’insoumise de Serge Moati
(Doc., 52 min., Fr, 2007)

 Rediff. TV : 23 juillet 2010 à 21h30, 31/07 à 23h55 sur France 5
 1ère Diff. TV : en 2007 sur France 5

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 Le Procès de Bobigny de François Luciani
(Fict., Fr, 2006)

 Diff. : 3 avril 2006 à 20h50 sur France 2

 


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