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  Raymond Depardon

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Avec sa femme Claudine Nougaret qui coréalise nombre de ses films, Raymond Depardon était au Festival de Cannes 2024 à la faveur de la restauration de l’un de ses films, Les Années Déclic (The Declic Years, 1984), projeté dans la section Cannes Classics. Cannes fut aussi l’occasion d’annoncer la vente de leur catalogue de 52 documentaires (20 longs-métrages et 32 courts-métrages) aux Films du Losange désormais en charge de leur distribution. Une mission dévolue jusque-là à Palmeraie et désert, la société de production et de distribution qu’ils ont créée en 1992, qui change donc de mains. Avec les restaurations en cours, les documentaires de Raymond Depardon feront l’objet d’une grande rétrospective en salle en 2025.

Au printemps 2022 à l’Institut du monde arabe à Paris, l’exposition "Raymond Depardon / Kamel Daoud. Son œil dans ma main", présentait 80 photographies de Raymond Depardon prises en 1961 à Alger et en Oranie, puis à Bois d’Avau, lors des premiers pourparlers d’Evian, et enfin en 2019 à Alger et Oran, accompagnées de textes inédits du journaliste et écrivain Kamel Daoud. C’est aussi un livre coédité par Barzakh (Alger) et Images Plurielles (Marseille).
Une partie des photographies de 1961 avait déjà été publiée dans Un aller pour Alger (2010), avec un texte de Louis Gardel. Pour les besoins de l’exposition et du livre à quatre mains avec Kamel Daoud, Raymond Depardon a effectué un séjour en Algérie en septembre 2019. Il s’est alors de nouveau rendu à Alger, mais aussi à Oran où il était l’hôte de l’écrivain.

Figure du photojournalisme, en activité depuis 60 ans, co-fondateur de l’agence photographique Gamma en 1966, membre de l’agence Magnum depuis 1979, Raymond Depardon a reçu le Grand Prix national de la photographie en 1991. C’est aussi un cinéaste-documentariste mutli-primé, auteur notamment de 1974, une partie de campagne (1974-2002), sur la campagne électorale de Valery Giscard d’Estaing, de Reporters (1981), sur le photojournalisme, de Délits flagrants (1994), qui s’attache à la petite délinquance face à la machine judiciaire, d’Afrique. Comment ça va avec la douleur ? (1996), son périple africain en forme de journal filmé, entrepris entre 1993 et 1996, de l’Afrique du Sud au Niger et de l’Angola à l’Egypte, ou encore de Profils paysans (2000-2008), un vaste panorama de la France rurale.

Né en 1942 à Villefranche-sur-Saône, Raymond Depardon grandit dans la ferme familiale où il réalise ses premières photographies. Désireux d’autres horizons, il quitte la ferme en 1958 pour Paris où il trouve à s’employer comme apprenti, puis assistant, du photographe de presse indépendant Louis Foucherand. Lorsqu’il postule une collaboration avec l’agence Dalmas, sa carrière va connaître un démarrage fulgurant et croiser l’Algérie à quatre reprises, avant que le photoreporter ne fête ses 20 ans.

Durant l’été 1960, le jeune Depardon est envoyé, en tant que photographe pigiste, pour suivre l’opération SOS Sahara censée étudier la résistance à la chaleur du corps humain. En arrivant le 16 août près de la base de Hammaguir, une zone militaire abritant la première station spatiale française opérationnelle de lancement de fusées, sept appelés du contingent qui montaient la garde sont partis chasser la gazelle et n’ont plus donné de nouvelles. Quatre d’entre eux mourront de déshydratation. Raymond Depardon prend des clichés des trois survivants, les accompagne lors de leur transfert vers un fort de la Légion à Tabelbala et parvient à adresser ses films à l’agence Dalmas. C’est son premier scoop et ses photographies, publiées dans Paris Match, lui vaudront un Grand Prix du reportage et un statut de reporter salarié.

A Alger ensuite, toujours pour Dalmas, Raymond Depardon fait l’expérience du reportage dans une Algérie française en sursis. "On est juste après le referendum [d’autodétermination du 8 janvier 1961], on craignait les attentats, les gens ne voulaient pas se faire photographier, on n’avait pas la possibilité de dialoguer, ni avec les Algériens, ni avec les Européens qui allaient repartir". Perçu comme un reporter métropolitain, il se souvient d’avoir travaillé sous tension. "J’étais parfois obligé de me cacher pour prendre des photos. On m’a cassé plusieurs fois mon appareil. [...] Quant à la communauté algérienne, elle était plutôt silencieuse et taciturne. Elle était visiblement malheureuse. Tout le pays sentait le malheur, mais on attendait l’indépendance."

Et puis il y eut les premiers pourparlers d’Évian en mai et juin 1961, pour mettre fin à la guerre. Le photographe était posté à Bois d’Avau dont il dit, "c’était formidable. J’étais du côté suisse", dans une villa prêtée par l’émir du Qatar. Chaque jour, les négociateurs algériens du FLN, emmenés pas Krim Belkacem, se rendaient en hélicoptère à Évian. "Tout cela a duré une dizaine de jours où j’ai fait toutes les photos que je voulais", se souvient le photographe qui disposait d’une accréditation officielle estampillée GPRA.

En avril 1962 enfin, Raymond Depardon est de retour dans le Sahara algérien pour couvrir la mission de l’Américain Red Adair chargé de l’extinction du gigantesque incendie d’un puits de gaz naturel, dans le gisement de Gassi-Touil au sud de Hassi-Messaoud, en feu depuis novembre précédent.

Évoquant les lieux fondateurs de sa carrière de photographe, dans une interview en 2000, il confiait qu’il y en avait trois : "l’Algérie en 1960, quand nous avons sauvé trois appelés du contingent. Le Tchad en 1960 avec mon ami le photographe Gilles Caron, disparu au Cambodge, et Beyrouth en 1978 : là, j’étais heureux d’avoir su dominer ma peur".

Auteur de 50 publications et de 30 films, Raymond Depardon est resté attaché à son indépendance. Pour les photographies, l’agence Magnum gère ses archives, agit comme une interface et fait tourner ses expositions. Côté cinéma, parce qu’il est l’un des rares cinéastes à être propriétaire de ses négatifs, il est dans une forme d’"économie familiale" avec sa femme Claudine Nougaret, ingénieure du son, productrice, réalisatrice et collaboratrice sur chaque film depuis 1987. Ils ont notamment co-réalisé Journal de France (2012), présenté hors compétition au Festival de Cannes et nommé au César du meilleur documentaire. Le couple a créé Palmeraie et désert, une société de production qui gère le catalogue.



> 14 - 25 mai 2024, Les Années Déclic de Raymond Depardon (The Declic Years, 1984), restauration en 4k, projection en présence de Claudine Nougaret et Raymond Depardon, 77e Festival international du film de Cannes / Cannes Classics


 7 février - 31 juillet 2022, Raymond Depardon / Kamel Daoud : "Son œil dans ma main. Algérie 1961-2019", Paris / Institut du monde arabe
 15 octobre 2021 - 10 avril 2022, Raymond Depardon : "La vita moderna", Triennale Milano
 2 octobre 2021 - 7 février 2022, "Raymond Depardon, photographe militaire", Châlons-en-Champagne / Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie
 27 novembre 2021 – 16 janvier 2022, Raymond Depardon : "Glasgow", Paris / Galerie RX
 27 août - 14 novembre 2021, Rétrospective Raymond Depardon, Lyon / Institut Lumière
 15 mars - 13 mai 2018, "Une guerre sans nom, 1954-1962 Algérie", photographies de Marc Riboud, Raymond Depardon, Pierre Boulat, Pierre Domenech et Jacques Hors (médecin, appelé en Algérie), dir. éditoriale : Jean-Jacques Jordi, Perpignan / Centre international de photojournalisme


Raymond Depardon et l’Algérie :

Raymond Depardon / Kamel Daoud. Son œil dans ma main. Algérie 1961-2019 (Alger/Marseille, Barzakh/Images Plurielles, 2022)

 Algérie. De la guerre à l’indépendance, 1957-1962, Texte de Jean-Jacques Jordi/Photos Magnum, Photographies de Raymond Depardon, Philip Jones Griffiths, Sergio Larrain, Erich Lessing, Marc Riboud, Kryn Taconis et Nicolas Tikhomiroff (Rennes, Ouest-France, 2012)

 Raymond Depardon : Un aller pour Alger (Paris/Le Seuil, 2010)

 Photographier la guerre d’Algérie (Catalogue d’exposition), Sous la direction de Benjamin Stora et de Laurent Gervereau, Textes de Fabrice d’Almeida, Marie Chominot, Laurent Gervereau, Abdelmadjid Merdaci et Benjamin Stora (Paris, Marval, 2004)

 


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