La Misère du monde, l’ouvrage dirigé par Pierre Bourdieu, a trouvé écho à plusieurs reprises au théâtre et avec lui les entretiens réalisés par Abdelmalek Sayad.
Avec feu Philippe Clévenot dans le rôle de Abbas* (image ci-contre), ce "roman" d’un ouvrier algérien immigré en France, par lui-même, a été représenté en 1995 à Paris dans une mise en scène de Dominique Feret. Au seuil de l’âge, face à un interviewer patient et quasi muet, Abbas fait le récit, la confidence, de sa vie. Précisant son intention à l’occasion de cette création dont il disait que ce n’était pas "un spectacle sur l’immigration", Dominique Feret faisait alors observer, "nous ne parlerons pas à la place d’Abbas, mais cette fois c’est bien Abbas qui parlera à notre place, nous le laisserons parler si prophétiquement de tous nos ratages, car, bien entendu, comme il le dit très tôt à Abdelmalek Sayad : "Rien n’a été comme on le pensait".
Le texte d’Abbas est tiré de La Malédiction d’Abdelmalek Sayad, lui-même extrait de La Misère du monde.
En mai de l’année suivante, Didier Bezace créait Le jour et la nuit**, un montage de trois entretiens dont celui de Farida, tiré de L’Emancipation d’Abdelmalek Sayad, provenant également de La Misère du monde. Dans le second volet du spectacle, articulé avec deux autres entretiens qui mettent en scène Danielle, une postière originaire de l’Aveyron et Hélène, une monteuse de films, Farida, 35 ans, née en Algérie de père algérien déjà émigré en France, raconte son parcours jusqu’à l’âge de 16 ans, celui de la fin de la scolarité obligatoire et l’histoire de son “enfermement”, de ses conflits avec sa famille et enfin de son émancipation et des leçons de son parcours durant les deux décennies de sa "claustration".
Didier Bezace confiait à cette occasion : ".. avec Farida, je me suis posé d’autres problèmes de théâtre. Là, s’est mise en place une dramaturgie qui se référait presque à un modèle littéraire. Avec la présence sur scène de l’ombre du père, personnage principal et haï, on n’est pas loin finalement d’un équivalent de La Lettre au père de Kafka. La question essentielle était de respecter les paroles de Farida, qui sont des paroles réelles, et de les transformer pourtant en actes de théâtre. C’était comme un autre modèle théâtral, où le personnage avait, avec la parole, un outil qui lui permettait de vivre, ou au moins d’assumer son existence, et peut-être d’aller plus loin. La parole y prenait un autre statut."
Créé une nouvelle fois le 22 février 2005 au Théâtre Varia à Bruxelles, dans une mise en scène du Marocain Lotfi Yahya Jedidi, La Fille de Abbas est monté à partir de La Malédiction, L’Emancipation et d’un extrait de Histoire et recherche identitaire (Bouchène, 2002).
– 11 - 28 avril 2006, La Fille de Abbas d’après A. Sayad, Bruxelles / Théâtre Océan Nord, 63/65, rue Vandeweyer, 1030 Schaerbeek, Tel. : 02 216 75 55
– 24 - 26 mars 2006, La Fille de Abbas, Paris / Centre Wallonie - Bruxelles
– 22 février - 12 mars 2005, La Fille de Abbas, Bruxelles / Théâtre Varia
La Fille de Abbas
d’après La Malédiction, L’Emancipation d’Abdelmalek Sayad
in La Misère du monde dir. Pierre Bourdieu (pp. 1267-1300 / pp. 1323-1340)
Adaptation, scénographie et mise en scène de Lotfi Yahya Jedidi
Avec Amid Chakir, Séloua Mhamdi, Lotfi Yahya Jedidi
* Abbas
d’après La Malédiction de A. Sayad
in La Misère du monde (pp. 1267-1300)
mise en scène de Dominique Feret
Avec Philippe Clévenot, Dominique Guihard
– 16 janvier - 18 février 1995, Théâtre de Paris-Villette
** Le Jour et la nuit
d’après L’Émancipation de A. Sayad
mise en scène de Didier Bezace
in La Misère du monde (pp. 1323-1340)
Avec Corinne Juresco (Farida), Salah Teskouk (l’interviewer)
– 4 - 14 mai 1996, Théâtre de l’Aquarium, Cartoucherie de Vincennes