Hélène, antiquaire, vit à Boulogne-sur-Mer avec Bernard, son beau-fils qui revient d’Algérie où il fut soldat pendant 22 mois. Veuve, Hélène cherche à revoir son amour de jeunesse, tandis que Bernard est hanté par le souvenir traumatisant de Muriel, la jeune femme qu’il a torturée. Mais dans cette ville encore marquée par les bombardements de la Seconde Guerre mondiale, ils s’apercevront vite qu’ils ne se comprennent plus.
Dès 1962, avec Muriel ou le temps d’un retour, Alain Resnais aborde la guerre d’Algérie et dénonce la torture qui y était pratiquée. Avec des dialogues écrits par Jean Cayrol, qui avait auparavant rédigé le commentaire de Nuit et brouillard (1955), Muriel nous propose un va-et-vient douloureux entre passé et présent, entre souvenirs et réalité.
Dans sa contribution "La torture dans Muriel d’Alain Resnais, une réflexion cinématographique sur l’indicible et l’inmontrable" (2002), l’historienne Raphaëlle Branche estime que "Muriel est, de tous les films qui existent sur la guerre d’Algérie et qui abordent le thème de la torture, celui qui pousse le plus loin la réflexion sur sa représentation. Depuis 1963, aucun autre réalisateur n’a réussi à faire comprendre aussi profondément ce qu’a pu être le choc de la confrontation avec la pratique de la torture pour des appelés français. Dommage peut-être qu’il n’ait pas été plus vu.
L’historien et critique de cinéma Antoine de Baecque rappelle, quant à lui, que Resnais avait déjà essayé de "faire un film sur la guerre d’Algérie, en 1959 et 1960, en adaptant le scénario d’Anne-Marie de Villaine, A suivre à n’en plus finir, il n’obtint jamais les moyens de ses ambitions (L’Histoire-caméra, Gallimard, 2008).
Pour mémoire, Alain Resnais comptait parmi les signataires de la "Déclaration sur le droit à l’insoumission dans la guerre d’Algérie", plus communément appelée le "Manifeste des 121", un appel, initialement signé par 121 intellectuels en France, qui prônait la désobéissance militaire et la fin de la guerre d’Algérie.
Né en 1922 à Vannes, réalisateur, scénariste et monteur, considéré comme l’un des grands représentants de Nouvelle Vague en France, Alain Resnais est décédé le 1er mars 2014 à Paris. Remarqué avec Van Gogh (1948), Guernica (1950), Les Statues meurent aussi (1953), un film co-réalisé avec Chris Marker sur l’art "nègre" dans le contexte de la colonisation et de sa contestation, et Nuit et brouillard (1955), premier film de référence sur les camps de concentration durant la Seconde Guerre mondiale, il signe des films marquants comme Hiroshima, mon amour (1959) et L’Année dernière à Marienbad (1961), Lion d’or à Venise. Il lui faudra attendre 1997 pour accéder au succès populaire avec On connaît la chanson.
Muriel ou le temps d’un retour d’Alain Resnais > Bande annonce
–Muriel ou le temps d’un retour (Muriel, or The Time of Return) d’Alain Resnais
(116 min., Fr/Ita, 1962)
Avec Delphine Seyrig (Hélène Aughain), Jean-Pierre Kérien (Alphonse Noyard), Jean-Baptiste Thiérrée (Bernard Aughain), Nita Klein (Françoise), Claude Sainval (Roland de Smoke)
* Prix d’interprétation féminine pour Delphine Seyrig et Prix de la critique, Mostra de Venise 1963
Sortie : 2 octobre 1963
Aucune
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