|
Le roman déploie ses quarante premières pages dans Alger d’avant la tempête 1990, capitale décrépite d’un vieux pays dont la chronique s’écrit aussi dans les bars de la ville avec le babillage de Jeff et de sa bande, au contact desquels on navigue de Khalil Jibran à Dante, Al-Maari, Shakespeare, Rabelais ou William Blake. C’est ensuite Paris où Jeff débarque entre le Marcadet afro maghrébin et le 18e de Picasso et Braque. Puis ce sera le Forum des Halles, véritable cour des miracles qui fait de lui, un temps, l’empereur de la faune des lieux... jusqu’au jour où tout bascule.
Dans un numéro de revue ramassé par hasard, Jeff tombe sur un concours littéraire. Sitôt le décor de son projet de nouvelle planté, voilà que tout s’emballe. Entre rêve et réalité, Jeff se met à évoluer parmi les personnages de sa propre fiction. Passant au travers, dans "le va-et-vient entre l’au-delà et l’en deçà du langage", le voilà "voyant, tisseur de vivants réseaux, jouant avec la destinée des gens".
Dans cette fine broderie aux accents soufis, l’univers est un grand texte "dont la langue serait les hommes comme consonnes et les femmes comme voyelles. Ainsi se tisse le chant de l’homme et de la femme racontant l’infinie variété de l’histoire, toujours la même, de l’homme et de l’univers".
Comme Don Quichotte, Hamlet, ou Madame Bovary que l’auteur estime "eternels et autonomes", "les personnages ou les mythes littéraires sont des mystères personnels que l’on transporte avec soi, toute la vie, et qui façonnent nos imaginaires".
Aigle
de Aziz Chouaki
(Paris, Gallimard-Frontières, 2000)
(Châlons en Champagne, Ex Æquo, 2009) |