Dans un territoire en ébullition quelque part dans les Balkans, de l’autre côté d’un pont devenu infranchissable, un bar du bout du monde. Là, autour d’un comptoir, dans un décor mi-terrasse, mi-terrain vague, quelques clients ferraillent contre leur quotidien d’assiégés. Un ordinaire rythmé par de menus trafics, des rumeurs sur le cours de la guerre et des déflagrations régulières. Et voilà que Zoltan entre en scène.
Débarqué de nulle part, Zoltan a du bagout. Sans compter qu’il dit être l’ami de Georges Bush, d’Elton John, de Madonna et de Zidane. Rien ne l’arrête et ses interlocuteurs se laissent vite séduire. Là où les populations meurtries sont le plus souvent réduites à égrener leurs malheurs et leurs blessures, Zoltan est dans la fuite en avant compulsive, dans le mensonge et la broderie sur de prétendus voyages et d’illusoires amitiés qu’il dit cultiver avec les stars et les dirigeants de ce monde.
–"Je m’appelle Zoltan, je viens de l’autre côté du pont. Et je vends du vent et des voiles", dit-il à Jessie qui le reprend :
–"Me fais l’effet d’un espion, un truc de film comme ils font. T’es étrange Zoltan." –"Mais non Jessie, rétorque Zoltan, je suis comme vous, juste que je carrefour les coïncidences, j’y peux rien."
Bonimenteur entêté, Zoltan n’en émeut pas moins. En temps de guerre comme ici, sa fuite en avant est une leçon de survie dans l’imagination, une manière d’échapper au cauchemar sans fin de la destruction et de la folie. Mais voilà que des contradictions se font jour derrière son masque et sa faconde, laissant voir l’inquiétude qui le ronge. En particulier lorsqu’apparaît Pluvia et avec elle la promesse de l’amour.
Fidèle à une inspiration, à un style et une langue qui jongle avec les mots, les images et les rythmes, l’écrivain et musicien Aziz Chouaki pratique "l’improvisation contrôlée". Le résultat se fait alors territoire. Même loin du Maghreb et de l’Algérie, Zoltan est une nouvelle occasion pour le dramaturge de rester fidèle à son théâtre d’ombres et à ses personnages de la marge qui s’invitent comme par effraction dans notre sommeil sans rêve.
"En fait, résume Aziz Chouaki, Zoltan est un immense mythomane, victime de la pression de la guerre, et qui développe ses fantasmes comme une carapace de défense." Pour Véronique Bellegarde, la metteure en scène, "cette parole affabulatrice est un moteur de survie qui s’emballe tout seul et entraîne les autres, tant leur besoin d’échapper au réel est fort. Zoltan bluffe mais l’amour vrille sa machine et sa musique devient free. Il perd pied, son langage se déstructure, son esprit se brise, les images s’entrechoquent et il devient fou".
Tout comme Une virée et Dom Juan qui n’a pas encore été créé, Zoltan est le fruit d’une commande d’écriture du Théâtre Nanterre-Amandiers dirigé par Jean-Louis Martinelli.
– 12 janvier - 12 février 2012, Théâtre Nanterre-Amandiers, 7, avenue Pablo Picasso, 92022 Nanterre, Location : 01 46 14 70 00
> 28 janvier à 18h : "Nationalismes dans les Balkans", Débat en partenariat avec Le Monde diplomatique
Zoltan de Aziz Chouaki
(Paris, Les Cygnes, 2011)
Mise en scène de Véronique Bellegarde
avec Alexandra Castellon (Peg), Guillaume Durieux (Gabriel), Pierre Hiessler (Tunis), Maud Le Grevellec, (Pluvia), Patrick Mille (Zoltan), Marina Tomé (Jessie)
Scénographie : Véronique Bellegarde et Édouard Sautai
Lumière : Philippe Sazerat
Création : musicale Médéric Collignon
Costumes : Laurianne Scimemi
Production : Théâtre Nanterre-Amandiers
Aucune
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