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  Fernand Iveton

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"Aléas", un ancien magazine créé en 1991 et diffusé sur France 3, racontait "des histoires de gens, d’événements, de rencontres, d’incidents... Tout ce qui fait la vie dans ce qu’elle a d’imprévisible et d’aléatoire." Les trois films de la soirée du 4 novembre 2004, une édition plutôt heurtée, avaient en commun la guillotine et, les deux premiers, l’Algérie coloniale.
Si le premier était consacré à Fernand Meyssonnier, exécuteur et fils d’exécuteur en Algérie jusqu’en 1962, le second dressait le portrait de l’une de ses victimes : Fernand Iveton, le seul européen des 198 guillotinés de la guerre d’Algérie.

Fernand Iveton, guillotiné pour l’exemple s’ouvre sur des images d’Alger en noir et blanc et la voix de François Mitterrand, alors ministre de l’Intérieur, qui assène en 1954 son fameux "l’Algérie c’est la France et la France ne saurait reconnaître chez elle d’autre autorité que la sienne". Daniel Edinger revient ensuite sur les derniers mois de Fernand Iveton, ouvrier communiste surpris le 14 novembre 1956 dans l’usine à gaz du Hamma où il travaillait, entrain de régler la minuterie d’une charge explosive -"pour éviter des pertes humaines" soutiendra-t-il. Arrêté, interrogé et torturé, il est condamné à mort dix jours plus tard.

Me Albert Smadja, alors jeune avocat commis d’office, se souvient du pourvoi en cassation, puis du recours en grâce auprès du président René Coty qui sera refusé. Au matin du 11 février 1957 à la prison de Barberousse (auj. Serkadji) d’Alger, Fernand Iveton est exécuté en même temps que deux autres condamnés algériens : Mohamed Ouenouri et Ahmed Lakhnache. L’avocat ne peut contenir ses sanglots lorsqu’il se remémore ce matin, "il faut imaginer, dit-il, l’horreur de cette exécution.... Lorsqu’on lui demande quels furent les derniers mots d’Iveton, l’avocat répond : "Je vais mourir, mais l’Algérie sera indépendante".

Le film se termine sur un poème d’Annie Steiner (Ce matin ils ont osé), une autre militante détenue dans le quartier des femmes. Le 13 février 1957, deux jours après l’exécution, ajoute Me Smadja, il est lui-même arrêté en même temps que 130 européens et 14 avocats, accusés de sympathie envers les insurgés algériens... Le défenseur de Fernand Iveton restera deux années en détention.

Un demi-siècle après l’indépendance du pays, seule une petite ruelle, dans le quartier d’El-Madania (ex-Clos Salembier) où il est né, porte son nom à Alger. Il existe également une rue Fernand Iveton à Oran, un temps débaptisée par la municipalité en 2016. Mais devant la fronde suscitée dans les médias et les réseaux sociaux, le chahid (martyr) Fernand Iveton a retrouvé sa rue.

De nos frères blessés, le roman de Joseph Andras (Actes-Sud/Barzakh, 2016), revient sur l’arrestation, la détention, le procès et l’exécution de l’ouvrier communiste et militant anticolonialiste algérien Fernand Iveton, au cœur de la guerre d’indépendance des Algériens. Outre une adaptation au théâtre signée Fabrice Henry qui estime qu’"interroger le roman de Joseph Andras, et cette histoire occultée, c’est proposer d’explorer collectivement notre mémoire de la guerre d’Algérie, dont les conséquences ont façonné la France actuelle", le roman fait également la matière d’un film homonyme d’Hélier Cisterne (2021), lequel s’attache à une histoire d’amour et d’engagement, à la vie d’Hélène devenue femme d’un "traitre", qui refuse de baisser les bras.

Depuis de nombreuses années, une cérémonie de recueillement à sa mémoire a lieu, tous les 11 février, au cimetière chrétien de Bologhine (ex-Saint-Eugène). En 2012, elle a eu lieu le 25 février. "Parmi les membres présents, rapportait le journal El Watan (26 fév.), "on comptait une seule personnalité officielle en la personne du président du CNES, Mohamed-Seghir Babès". Organisée en présence notamment de compagnons d’armes comme Abdelkader Guerroudj, mais aussi d’Annie Steiner ou de l’Algéro-Argentin Roberto Muniz, "beaucoup [...] n’ont pas hésité à faire le déplacement jusqu’au cimetière chrétien de Bologhine, en dépit de leur âge, comme un défi à l’amnésie officielle qui veut confiner le sacrifice d’Iveton, Henri Maillot, Maurice Laban, Maurice Audin, Raymonde Peschard et des autres chouhada (martyrs) d’origine européenne aux oubliettes".

Dans François Mitterrand et la guerre d’Algérie, publié en 2010 chez Calmann-Lévy, l’historien Benjamin Stora et le journaliste au Point François Malye éclairent, un peu plus avant, le rôle de François Mitterrand, garde des Sceaux du gouvernement socialiste de Guy Mollet en 1956, au sujet de l’exécution de Fernand Iveton. Les deux auteurs ont exhumé un document des archives du Conseil supérieur de la magistrature qui établit que "François Mitterrand -comme la totalité des membres du CSM- s’est bien opposé à la grâce du seul Européen exécuté pendant la guerre d’Algérie, un homme qui n’avait pourtant tué personne".

Dans une version initiale de cet article, nous présentions Fernand Iveton comme étant né de parents d’origine polonaise. On nous a écrit pour nous dire qu’il s’agissait d’une erreur. En réalité, "son père Pascal était un enfant de l’Assistance publique d’Alger et sa mère Incarnacion était née en Espagne". On nous a rappelé enfin que "c’est son épouse Hélène qui était d’origine polonaise".
Toutes nos excuses à la famille Iveton, au réalisateur Daniel Edinger et à nos lecteurs. (Photo D.R.)



Arrestation de Fernand Iveton (ORTF, JT 20 h, 17 nov. 1956) > Doc., INA (1 min. 42 s.)


Au théâtre

De nos frères blessés
Texte de Joseph Andras
Mise en scène : Fabrice Henry
Avec François Copin, Clémentine Haro, Vincent Pouderoux, Thomas Resendes
Musique : Pauline Rambeau de Baralon
Production : Collectif Satori

 10 mars 2019, Tlemcen / Institut français
 13 – 15 novembre 2018, représentation tout publics suivie d’un échange, Mémorial du Camp de Rivesaltes
> 15 et 16 novembre : représentations à destination du public scolaire
> 15 nov. à 20h : projection du court métrage d’animation [Octobre Noir sur la manifestation du 17 octobre 1961 à Paris, suivie d’une rencontre avec Aurel, Vincent Marie et l’équipe de la pièce De nos frères blessés
 2 novembre 2018, Paris / Centre culturel algérien
 20 octobre 2018, représentation suivie d’un débat, Avignon / Artéphile, 5 bis, rue du Bourg Neuf, 84000 Avignon
 20 février - 10 mars 2018, Paris / Les Déchargeurs, 3, rue des Déchargeurs, Paris 1er


Au cinéma

De nos frères blessés
Un film d’Hélier Cisterne
D’après le roman de Joseph Andras
Avec Vincent Lacoste, Vicky Krieps
Scénario de Katell Quillévéré et Hélier Cisterne
* Sortie : prochainement


Rencontres :

 24 février 2017, soirée Fernand Iveton, rencontre en présence de Sadek Hadjerès (ancien secrétaire du Parti communiste algérien), Alain Ruscio (historien), Hassane Zerrouki (journaliste à L’Humanité), Paris / Siège du PCF, 2, place du Colonel Fabien, Paris 19e
 11 février 2012, Rencontre autour de Fernand Iveton, Alger / Forum El Moudjahid, par l’association Machâal echahid
 9 - 18 février 2012, "Sauvegarde collective de la mémoire nationale" : évocation de Fernand Iveton, en présence de son ami Félix Colozzi et de l’ancien condamné à mort Abdelkader Guerroudj, 12e Semaine culturelle et historique sur la guerre de libération, Alger / Plateau des Annassers / Palais de la culture Moufdi Zakaria, par l’association Machâal echahid
 15 décembre 2011, "Hommage à Fernand Iveton", rencontre en présence de Mohamed Rebah, moudjahid et auteur de Des chemins et des hommes (2009), de Abdelkader Guerroudj, ancien chef des Combattants de la Libération (CdL, Parti communiste) intégrés au FLN, et de l’historien Jean-Luc Einaudi, auteur notamment de Pour l’exemple ; l’affaire Fernand Iveton (1986), Paris / Centre culturel algérien, 171, rue de la Croix-Nivert, Paris 15e, Tel. : 01 45 54 95 31
 18 mai 2010, Conférence-débat en hommage à Fernand Iveton, animée par Me Albert Smadja, Me François Marini, et l’historien Mohamed El Korso, Alger / Université des sciences humaines de Bouzaréah


Bibliographie :

 François Mitterrand et la guerre d’Algérie
de Benjamin Stora et François Malye
(Paris, Calmann-Lévy, octobre 2010)

 Pour l’exemple : l’affaire Fernand Iveton de Jean-Luc Einaudi
Préface de Pierre Vidal-Naquet
(Paris, L’Harmattan, 1986)


Télévision :

 Diff. TV : 20 avril 2004 à 0h30 sur France 3, Magazine Aléas - "Chronique des hasards"


 Portrait du photographe : celui qui regardait la mort
de Jean-Denis Bonan
 Fernand Iveton guillotiné pour l’exemple
de Daniel Edinger
 Dernière veuve à Angoulême
de Jean-Denis Bonan


Théâtre :

 Plaidoyer pour un rebelle, Théâtre d’Emmanuel Roblès (Paris, Le Seuil, 1965)
 Les Mimosas d’Algérie de Richard Demarcy (1991)

 


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