Année du 40e anniversaire du 1er Festival panafricain d’Alger, 2009 est aussi celle des 40 ans du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). Créée en 1969 pour assurer la promotion du cinéma africain, la première "Semaine du cinéma" organisée à Ouagadougou a été la matrice du Fespaco qui sera institutionnalisé en 1972 et deviendra un rendez-vous biennal compétitif à partir de sa sixième édition.
40 ans plus tard, en l’absence d’une véritable industrie dans ce domaine sur le continent, au regard des coûts de production d’une œuvre cinématographique, de la désaffection des publics, des salles qui ferment et dans un contexte de crise internationale qui vient aggraver les difficultés, le cinéma africain peine toujours à trouver ses marques.
Il s’est cependant distingué par un volume non négligeable de films et un bon nombre de récompenses prestigieuses comme la Palme d’or à Cannes (1975) pour Chronique des années de braise de l’Algérien Mohamed Lakhdar-Hamina, le Prix Spécial du Jury à Cannes (1987) pour Yeelen du Malien Souleymane Cissé, le Prix de la Critique à Cannes (1989), le Grand Prix du Jury à Cannes (1990) et l’Ours d’argent du Festival de Berlin (1992), respectivement pour Yaaba, Tilaï et Samba Traoré du Burkinabé Idrissa Ouedraogo, le Prix du 50è anniversaire de Cannes (1997) décerné à l’Egyptien Youssef Chahine, l’Oscar à Hollywood (2005) pour Tsotsi du Sud-Africain Gavin Hood d’après le roman d’Athol Fugard, l’Ours d’or à Berlin (2005) pour U-Carmen eKhayelitsha d’un autre Sud-Africain d’origine britannique, Mark Dornford-May, le Grand prix du Jury de Venise (2006 et 2008), respectivement pour Daratt du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun et Teza du cinéaste éthiopien vivant aux USA Haïlé Gerima.
Ceci sans compter, au chapitre du talent et du glamour, l’Oscar 2004 qui a récompensé l’actrice sud-africaine Charlize Theron pour son interprétation de tueuse en série dans Monster de Patty Jenkins (2003).
L’Oscar obtenu pour Tsotsi a valu à Gavin Hood de débuter une carrière aux Etats-Unis. Après Rendition (Détention secrète, 2007), un thriller politique qui se penche sur les méthodes de détention de la CIA dans des centres d’interrogatoire délocalisés à l’étranger, au nom de la chasse aux terroristes, il a été sollicité pour Wolverine (2009), le récit fondateur de la saga des X-Men. Ancien étudiant de cinéma à UCLA (Los Angeles) - tout comme Gavin Hood -, auteur notamment de Bush Mama (1975) et de Cendres et braises (Ashes and Embers, 1982), Haïlé Gerima compte parmi les figures du cinéma noir américain. Après La Moisson de 3 000 ans en 1972 et Sankofa en 1993, mot akan qui signifie "retour au passé", Haïlé Gerima est une nouvelle fois retourné en Éthiopie pour une fresque sur les convulsions politiques des années 1980 au pays. Teza (2008) a, tour à tour, obtenu le Prix spécial du Jury à la Mostra de Venise, le Tanit d’or au Journées cinématographiques de Carthage et l’Etalon de Yennenga (Grand Prix) au Fespaco.
Né à Paris de parents algériens, Rachid Bouchareb s’interroge aussi sur les reliefs d’une histoire encore difficile à écrire et à partager. Après en particulier Poussières de vie (1994), sur le sort des enfants vietnamiens nés de liaisons entre GI’s et jeunes filles du pays, et Little Sénégal (2006) qui sonde les relations entre les Africains et leurs lointains cousins afro-américains, Indigènes a contribué à donner un nouvel éclairage sur la Deuxième Guerre mondiale et le rôle des combattants d’Afrique dans la libération de la France. Avec un Prix d’Interprétation au Festival de Cannes et 3,2 millions de spectateurs en France, le film est à l’origine d’une initiative du gouvernement visant à faire aligner les pensions des anciens combattants des ex-colonies sur celle de leurs frères d’armes de nationalité française. Fin juillet, dans la région de Sétif en Algérie, Rachid Bouchareb a commencé le tournage de Hors la loi (Outlaws), un second volet à Indigènes, qui s’ouvre sur les massacres du 8 mai 1945 dans l’Est algérien.
En lice pour l’Oscar 2007 du meilleur premier rôle, les Américains Leonardo Di Caprio et Forest Whitaker ont respectivement défendu Blood Diamond d’Edward Zwick et The Last King of Scotland de Kevin McDonald, deux films à grand spectacle inspirés, le premier, de la guerre en Sierra Leone et, le second, de la dictature d’Idi Amin Dada en Ouganda. Aux dernières nouvelles, d’après le quotidien spécialisé Variety, les studios hollywoodiens Columbia Pictures ont acquis les droits d’adapter à l’écran la vie du capitaine Richard Phillips, retenu en otage sur un canot de sauvetage durant cinq jours par des pirates somaliens. C’était en avril dernier. Lors de l’intervention des forces navales américaines, trois des quatre pirates ont été tués. L’acteur et réalisateur Kevin Spacey co-produira le film.
Depuis une quinzaine d’années, l’Afrique et ses vicissitudes font ainsi la matière de nombreuses fictions écrites et réalisées par des cinéastes non africains sur le génocide rwandais, les enfants soldats, les marchands d’armes, l’Afrique du Sud post apartheid et Nelson Mandela dont le destin et la carrière politique ne pouvaient manquer d’inspirer le cinéma. Après Mandela and de Klerk de Joseph Sargent (1997), un film tourné au Cap avec Sidney Poitier et Michael Caine dans les rôles des deux dirigeants sud-africains et prix Nobel de la Paix, on a eu Goodbye Bafana du Danois Bille August (2006), tiré des mémoires du geolier de Mandela. Cette année, c’est Clint Eastwood qui s’y est collé à travers un biopic tourné avec Morgan Freeman dans le rôle du dirigeant historique de l’ANC. Aux dires du célèbre acteur et cinéaste américain, Invictus est "centré sur la Coupe du monde de rugby de 1995, après son élection à la présidence. L’équipe des Springboks est essentiellement composée de Blancs. Mandela a compris qu’il pouvait réunifier et changer le pays en créant une équipe multiraciale".
Il existe enfin une Afrique vue à travers le documentaire comme ceux du Sénégalais Samba Félix N’diaye, le doyen des documentaristes africains dont il faut avoir vu Dakar-Bamako (1992), un trajet effectué au milieu des voyageurs et des marchandises du train express qui met 36 heures pour relier les 1.200 km séparant les deux villes. On pense à Come Back Africa de Lionel Rogosin (1958-59), un docu-fiction pionnier qui nous plonge au cœur de Sophiatown, le célèbre ghetto noir de Johannesburg avant sa destruction. Quarante ans plus tard, Drum de Zola Maseko (2004), film distingué de l’Étalon d’or au Fespaco, remet en images cette banlieue symbole de la résistance culturelle dans l’Afrique du Sud de l’apartheid. On pense également à Transes (El Hal) du Marocain Ahmed El Maânouni (1981), la première œuvre restaurée par la World Cinema Foundation créée à Cannes en 2007 et présidée par Martin Scorsese. Transes est une immersion dans l’univers du groupe historique Nass El Ghiwane. Le cinéaste américain se souvient d’avoir "découvert Transes à la télévision américaine en 1981, sur une toute petite chaîne du câble new-yorkais vers 2 heures du matin au milieu de la nuit, j’étais en plein montage de La Valse des pantins. La musique de Transes était incroyable, et les paroles d’une incroyable poésie. La musique m’a beaucoup influencé, pour La Dernière tentation du Christ."
De manière générale, et de Lumumba du Haïtien Raoul Peck (2000) à My Neighbor, My Killer (Mon voisin, mon tueur) de la franco-américaine Anne Aghion (Cannes 2009) qui fait partie d’une série au long cours sur la justice au Rwanda avec l’instauration des tribunaux gacaca (prononcer gaCHAcha) pour que Tutsis et Hutus reconstruisent ensemble le pays décimé par le génocide de 1994, un grand nombre de films laissent émerger des écritures documentaires soucieuses d’embrasser et de rendre intelligible le tumulte d’un continent meurtri et en mouvement.
– 10 - 11 juillet 2009, Colloque international "Quels modèles d’avenir pour les cinémas d’Afrique ?", Alger / Hôtel El Aurassi / 2è Festival culturel panafricain d’Alger
– 6 - 19 juillet 2009, Salle Ibn Zeydoun • Salles Cosmos Alpha et Beta • Filmathèque Mohamed Zinet (Riadh el-Feth) • Chapiteaux Parc Zoologique à Ben Aknoun et Cité des 150 Logements à Rouiba, 2è Festival culturel panafricain d’Alger
Grands Prix (Tanit d’or) des Journées Cinématographiques de Carthage
– 2008
* Long métrage : Teza de Haïle Gerima (Éthiopie)
* Court métrage : Savons sales et mains propres de Karim Fanous (Égypte)
– 2006
* Long métrage : Making Off de Nouri Bouzid (Tunisie)
* Court métrage : Reste tranquille de Sameh Zoabi (Palestine)
– 2004
* Long métrage : A Casablanca, les anges ne volent pas de Mohamed Asli (Maroc)
* Court métrage : Visa de Brahim Letaief (Tunisie)
– 2002 : Le Prix du pardon de Mansour Sora Wade (Sénégal)
– 2000 : Dolé d’Imunga Ivanga (Gabon)
– 1998 : Vivre au paradis de Bourlem Guerdjou (Algérie)
– 1996 : Salut cousin ! de Merzak Allouache (Algérie)
– 1994 : Les Silences du palais de Moufida Tlatli (Tunisie)
– 1992 : La Nuit de Mohamed Malas (Syrie)
– 1990 : Halfaouine, l’enfant des terrasses de Férid Boughedir (Tunisie)
– 1988 : Noce en Galilée de Michel Khleifi (Palestine)
– 1986 : L’Homme de cendres de Nouri Bouzid (Tunisie)
– 1984 : Les Rêves de la ville de Mohamed Malas (Syrie)
– 1982 : Le Vent (Finye) de Souleymane Cissé (Mali)
– 1980 : Aziza d’Abdellatif Ben Ammar (Tunisie)
– 1978 : Les Aventures d’un héros de Merzak Allouache (Algérie)
– 1976 : Les Ambassadeurs de Naceur Ktari (Tunisie/Libye/France)
– 1974 : Les bicots-nègres, vos voisins de Med Hondo (Mauritanie)
– 1972 : Les Dupes de Tewfik Salah (Egypte/Syrie)
– 1970 : Youssef Chahine pour l’ensemble de son œuvre et à son film Al-Ikhtiyar (Le Choix)
– 1968 : [non décerné]
– 1966 : La Noire de... d’Ousmane Sembène (Sénégal)
Grands Prix du Fespaco (Etalon de Yennenga) (Longs-métrages de fiction)
– 2009 : Teza de Haïlé Gerima (Ethiopie)
– 2007 : Ezra de Newton Aduaka (Nigeria)
– 2005 : Drum de Zola Maseko (Afrique du Sud)
– 2003 : Heremakono de Abderrahmane Sissako (Mauritanie)
– 2001 : Ali Zaoua de Nabil Ayouch (Maroc)
– 1999 : Pièces d’identités de Mweze Ngangura (R D Congo)
– 1997 : Buud Yam de Gaston Kaboré (Burkina Faso)
– 1995 : Guimba de Cheik Oumar Sissoko (Mali)
– 1993 : Au nom du Christ de Roger Gnoan M’bala (Côte d’Ivoire)
– 1991 : Tilaï d’Idrissa Ouedraogo (Burkina Faso)
– 1989 : Heritage Africa de Kwah Ansah (Ghana)
– 1987 : Sarraounia de Med Hondo (Mauritanie)
– 1985 : Histoire d’une rencontre de Brahim Tsaki (Algérie)
– 1983 : Finye de Souleymane Cissé (Mali)
– 1981 : Djeli de Fadika Kramo Lanciné (Côte d’Ivoire)
– 1979 : Baara de Souleymane Cissé (Mali)
– 1976 : Muna Moto de Jean-Pierre Dikongue Pipa (Cameroun)
– 1973 : Les Mille et une mains de Souheil Benbarka (Maroc)
– 1972 : Le Wazzou polygame d’Oumarou Ganda (Niger)
Aucune
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