Comme son titre ne l’indique pas, Bienvenue à Madagascar, c’est d’abord un flux ininterrompu d’images d’Alger, d’hommes, de femmes et d’enfants, de chats aussi, et la mer, omniprésente sous le soleil d’Afrique… et la voix et les mots de Franssou Prenant qui structurent le babil continu d’un vaste chœur de voix, toujours off, qui interroge et s’interroge sur la vie à Alger et les chausse-trappes de l’histoire, où il est question pêle-mêle de la colonisation, des massacres du 8 mai 1945 et de la guerre de libération, des rêves d’une société nouvelle et des promesses non tenues de l’indépendance, de liberté, d’éducation, de religion, d’amour enfin.
Et puis niché dans ce chœur de (prises de) paroles, qui convoque également des mots des écrivains Kateb Yacine et Rachid Mimouni, une autre histoire, celle de Madagascar, de la colonisation et des massacres de 1947-1948 pour mettre un terme à une insurrection de 21 mois, noyée dans le sang.
Le lien entre les deux séquences historiques, outre qu’elles témoignent de révoltes durement réprimées dans l’empire colonial français, c’est Franssou Prenant, la réalisatrice. Fille d’André Prenant (1926-2010), géographe, connaisseur et ami de l’Algérie, Franssou Prenant utilise par ailleurs des images d’Alger tournées par son père au début des années 1960. Alger où, enfant, au sortir de l’indépendance, comme elle le confie, j’ai appris la liberté et dont, quelques décennies plus tard, immigrée à l’envers et exilée volontaire, j’ai fait ma ville d’élection", car durant la décennie 2000, Franssou Prenant a vécu à Alger en tant qu’épouse de l’ambassadeur de Madagascar.
De ce film impressionniste et attachant, accouché au montage et traversé d’élans, de rêves éveillés et de regrets, dont ceux de la réalisatrice, Franssou Prenant parle d’"images glissant d’une facture « poétique » vers l’abstraction produite par leur assemblage en contretemps avec les paroles, même si les unes comme les autres sont chargées de réel et de désirs ; un film polyphonique et décentré qui, au delà d’une description d’Alger, traite du monde, de l’histoire, coloniale aussi bien sûr, de la lumière et de sa beauté, de la déambulation et de la contemplation".
Réalisatrice, monteuse, comédienne, scénariste, Franssou Prenant a travaillé avec Romain Goupil (Mourir à trente ans, 1982), Raymond Depardon (Faits divers, 1983 ; Empty Quarter (Une femme en Afrique, 1985) et Jacques Kébadian (Blanche et claire, 1987 ; D’une brousse à l’autre, 1998).
De la réalisatrice de L’Escale de Guinée (1987) ou de Paris, mon petit corps est bien las de ce grand monde (2000), nous avons vu et été touchés par Sous le ciel lumineux de son pays natal, un film tourné en 1995 qui entremêle les paroles off de trois femmes dans Beyrouth d’après la guerre civile. Un film auquel Bienvenue à Madagascar fait écho pour investir et raconter par le menu "des territoires tant géographiques que mentaux".
Plus récemment, Franssou Prenant a travaillé au montage de Garagouz (2010) et El Oued el oued (2013) de Abdenour Zahzah.
La sortie, le 15 mars, de Bienvenue à Madagascar était accompagnée d’une rétrospective de Franssou Prenant en 4 films : L’Escale de Guinée (1987), Sous le ciel lumineux de son pays natal (2001), Reviens et prends-moi (2004) et I am too sexy for my body (2012).
– 20 juin 2017, projection suivie d’une rencontre avec la réalisatrice, Marseille / Friche de la belle de mai / Cinéma Le Gyptis, 136, rue Loubon, 13003 Marseille, accueil : 04 95 04 96 25
– 8 novembre 2016, Paris / Forum des images et Documentaire sur grand écran
– 3 - 9 septembre 2016, Rencontres cinématographiques de Bejaïa
– 28 novembre - 6 décembre 2015, en compétition, Entrevues - Festival international du film de Belfort
– Bienvenue à Madagascar
Un film de de Franssou Prenant
(102 min. Fr, 2015)
– Sortie en salles : 15 mars 2017
Distribution : Survivance