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  Jugurtha. Un Berbère contre Rome

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Massinissa, le Grand Africain de Houaria Kadra-Hadjadji

Grace au travail de l’universitaire Haouaria Kadra, publié en 2005, on dispose enfin d’une riche biographie de Jugurtha. Durant l’automne 2007, la figure de cet illustre chef berbère, qui fut tout à la fois "roi, guerrier et résistant", a été incarnée au théâtre. Mis en scène par Sonia, sur une adaptation signée Khaled Bouali, Jugurtha a été produit par le Théâtre régional de Batna. Après une générale donnée à Batna le 25, la première a eu lieu le 30 octobre à Alger, sur la scène du Théâtre national.

On doit en particulier à La Guerre de Jugurtha, de l’historien Salluste, d’avoir sauvé Jugurtha de l’oubli. Loin d’être une chronique complète et détaillée, l’ouvrage n’en conserve pas moins une valeur inestimable comme source rare du conflit romano-numide. On sait assez peu de choses de la vie et de la carrière politique de Salluste lui-même avant l’an 53 av. J.-C., date à laquelle il siège au Sénat. Lorsque César annexe la majeure partie du royaume numide de Juba 1er et la transforme en province romaine, l’Africa Nova, Salluste est alors choisi comme premier gouverneur. Ce dernier va mettre à profit son séjour de dix-huit mois pour accumuler une fortune considérable sur le dos de ses administrés. C’est seulement quelque soixante dix ans après le conflit qu’il se consacre à son œuvre d’historien avec La Conjuration de Catilina, La Guerre de Jugurtha et Les Histoires.

Première biographie consacrée à l’"aguellid" (roi en berbère), Jugurtha. Un Berbère contre Rome de Haouaria Kadra, si elle recourt à Salluste, convoque en outre un grand nombre de travaux publiés depuis et tente d’éclairer plus avant cette figure de la résistance berbère.

Né en 155 av. J.-C., Jugurtha est le fils du prince Mastanabal et d’une concubine. Comme tous les princes et les fils de l’aristocratie, Jugurtha a du recevoir une éducation punique et grecque ainsi qu’une formation militaire. Salluste parle d’une affection précoce des Numides pour Jugurtha qui excelle, très tôt, à l’équitation, à la course, au javelot ou à la chasse.

La biographie de Haouaria Kadra débute en 148 av. J.-C. à Cirta (auj. Constantine) alors que Massinissa, mourant, appelle auprès de lui Scipion Emilien, le petit-fils adoptif de Scipion l’Africain, pour assurer sa succession avec ses enfants Micipsa, Gulussa et Mastanabal. A la mort de ce dernier (140 ou 139 av. J.-C.), Micipsa recueille Jugurtha et l’entoure selon Salluste des mêmes soins que ses fils Adherbal et Hiempsal. Lorsque Micipsa vieillissant prend conscience du prestige grandissant de Jugurtha, il l’éloigne en le chargeant de conduire soldats et éléphants et d’aller prêter main forte à Scipion Emilien dans son fameux siège de Numance. Jugurtha en reviendra avec des lauriers.

A la disparition de Micipsa, Jugurtha éliminera Hiempsal, puis battra en 117 Adherbal qui se réfugie dans la province romaine d’Afrique dans le nord-est de l’actuelle Tunisie. L’année suivante, le sénat romain recevra les deux protagonistes en audience, à l’issue de quoi le royaume sera divisé en deux. La reprise des hostilités aura lieu quatre ans plus tard. A la prise de Cirta, Adherbal est égorgé sans autre forme de procès.

Le sénat romain déclare la guerre à Jugurtha, mais à cause des incertitudes qui pèsent alors sur la cité, engagée sur plusieurs fronts, et après un simulacre de capitulation, la paix est conclue avec Jugurtha et celui-ci est convié à Rome pour être entendu. Durant son séjour romain, il fait éliminer son cousin Massiva, fils de Gulussa et petit-fils de Massinissa.
La guerre reprend donc en Numidie. Nous sommes en 110. Jugurtha va tout faire traîner en longueur, retardant tour à tour la guerre et la paix. Durant l’été 109 a lieu, près du fleuve Muthul (Moulouya), la première grande bataille entre Numides et Romains emmenés par Mettelus. Dans l’impossibilité de reconstituer son armée malgré sa victoire, Mettelus choisit de soumettre les populations à un régime de terreur entamant ainsi le prestige de Jugurtha qui va choisir la guérilla.

El l’an 107, contre toute attente, Marius est élu consul et se voit confier la guerre contre Jugurtha, alors que Mettellus occupe Cirta, qu’il contrôle probablement tout l’est de la Numidie et que Jugurtha, démoralisé, cherche de l’aide auprès des nomades Gétules et du roi Bocchus de Maurétanie. L’expédition de Capsa (Gafsa) conduite cette année-là par Marius et le sort infligé aux habitants et à la ville "est resté dans les annales de Rome comme un crime de guerre", rappelle Haouaria Kadra qui cite François Hinard.
Dépouillé d’une grande partie de son royaume, acculé à l’ouest, Jugurtha appelle à l’aide Bocchus, son beau-père et jusque-là son allié. La confrontation des troupes a lieu vers septembre ou octobre 106 à l’ouest de Sitifis (Sétif), suivie d’une seconde bataille non loin de Cirta qui se termine par la déroute générale des troupes berbères. Bocchus et l’émissaire Sylla finiront par s’entendre sur un plan et attirent Jugurtha dans un traquenard.

Le récit de Salluste se termine avec la capture de Jugurtha à la fin de l’été 105. Grâce à Plutarque, nous en savons un peu plus sur son exécution. Transféré à Cirta puis à Rome où il est exposé avec ses deux fils, il sera ensuite incarcéré dans le sinistre Tullianum où un bourreau l’étranglera d’un lacet. Le corps sera jeté dans le Tibre. Jugurtha avait tout juste cinquante ans. "Et tandis que le Tibre emportait vers la mer le corps supplicié, ajoute Haouaria Kadra, dans le cœur des berbères naissait la légende de Jugurtha, roi, guerrier et résistant".

Docteur ès lettres, chargée de cours à l’Institut d’interprétariat et de traduction de l’Université d’Alger, Haouaria Kadra a été professeur de littérature française à l’Université d’Alger de 1964 à 1994. Elle fut en outre directrice de la collection "Classiques maghrébins" aux éditions Fernand Nathan, puis OPU de 1982 à 1989.
Elle a également publié Massinissa, le Grand Africain, une biographie du souverain de la Grande Numidie.


 17 décembre 2016, Jugurtha : "Le héros sans visage" au rang de mythe, par Afifa Bererhi (Université d’Alger), Alger / Les Glycines / Centre d’études diocésain / L’Université pour tous
 20 - 22 août 2016, colloque international "Jugurtha affronte Rome", Annaba


 30, 31 octobre et 1er novembre 2007, Alger / Théâtre national


 Jugurtha
Adaptation de Khaled Bouali
Mise en scène de Sonia
Avec Ali Djebara (Jugurtha), Mahfoud El-Hani (Micipsa)
Une production du Théâtre régional de Batna


Bibliographie :

Jugurtha. Un Berbère contre Rome
de Haouaria Kadra
(Paris, Arléa, 2005)
(Rééd. Alger, Casbah, 2007)
(Rééd. Alger, Barzakh, 2013)

 Méthode d’arabe moderne, en coll. avec Hamdane Hadjadji (3e éd. revue et corrigée, Paris, Ibis Press, 2004)
 Oumelkheir (roman) (Alger, ENAL, 1989)
 L’arabe moderne à travers les textes littéraires, en coll. avec Hamdane Hadjadji (Alger, ENAL, 1989)
 Contestation et révolte dans l’œuvre de Driss Chraïbi (Paris/Alger, Publisud/ENAL, 1986)
 L’Arabe technique par les textes, en coll. avec Hamdane Hadjadji (Paris/Alger, Publisud/OPU 1982)


Le Blog de Haouaria Kadra-Hadjadji

 


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