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  Jacques Berque

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Sociologue et grand érudit, infatigable observateur du monde maghrébin, arabe et méditerranéen, Jacques Berque avait fait l’objet d’un hommage en juin 2004. Egalement organisé par l’université d’Alger, en partenariat avec la wilaya de Tiaret, le colloque qui lui a été consacré en juin 2005 proposait une relecture critique de son œuvre. Une trentaine de participants dont Henri Alleg, Paul Balta, Cheikh Bouamrane, Gisèle Halimi, Sadek Sellam, Mahfoud Smati, Jean Sur et Tassadit Yacine, se sont penchés à la fois sur le penseur, le connaisseur des structures sociales du Maghreb et du Proche-Orient, le traducteur du Coran et de la poésie d’Adonis, mais aussi sur l’homme de terrain et le témoin de son époque.

Décédé en 1995 à Saint-Julien-en-Born en France, Jacques Berque est né en 1910 à Frenda (ex-Molière) en Algérie. "Né au Maghreb, écrit-il, sur une terre deux fois blessée - par la détérioration du colonisateur, non moins que par la dépossession du colonisé -, j’ai connu mon champ d’épreuve et franchi ma ligne de partage en un moment très dessiné dans l’histoire : la guerre qui, pendant plusieurs cruelles années, dressa non pas les Arabes contre la France, mais des Arabes, et plus spécialement des Maghrébins, et plus spécialement encore les Algériens contre la perte de leur identité."

Après deux années à la Sorbonne à Paris, il est nommé contrôleur civil dans le Gharb en 1934, puis dans le Haut Atlas au Maroc, un pays où il passera plus de vingt ans et où il composera Structures sociales du Haut-Atlas, sa thèse publiée en 1955 qui dépoussière les études orientalistes. Deux ans plus tôt, protestant contre l’immobilisme du protectorat, Jacques Berque quittait le Maroc à l’heure où le sultan était déposé.

L’homme aimait à rappeler qu’"il n’y a pas de sociétés sous-développées, mais des sociétés sous analysées". Il séjourne ensuite au Liban, puis en Égypte de 1953 à 1955. ... mes séjours en Orient, dira-t-il, n’ont fait que définir pour moi le sens d’une vie accrochée aux franges réciproques du sémitisme et de la latinité. J’ai plongé dans une éris méditerranéenne si enflammée qu’à son souffle se sont abolis en moi les trop courts débats de la terre et de la tribu. Il y a bien longtemps que je me récitais une "prière pour le bon usage de l’Algérie". Être d’une terre, c’est la dépasser. [...] Moi [...], je suis parti, en me déracinant, comme eût dit mon père [...], ou plutôt j’ai retourné mes racines vers l’avenir."

A son retour en France et pendant un quart de siècle (1956-1981), il va occuper la chaire d’histoire sociale de l’islam contemporain au Collège de France. Jacques Berque fut également directeur d’études à l’École pratiques des hautes études. S’il milita pour la décolonisation, il n’hésitait pas à attirer l’attention sur l’ampleur et les contradictions des chantiers de la libération. "Ah, comme il va être difficile de trouver le juste propos, le juste cri ! Et sur le seul plan de l’intelligence et de l’histoire, comme ils vont être difficiles les problèmes qu’il faudra résoudre, rétrospectivement, pour comprendre ce qui s’est passé, pour en tirer leçon. Oui, sans doute, le démêlement du positif d’avec le négatif dans tous les domaines : passé, présent et avenir. J’ai écrit que "décoloniser" -ce mot à la mode- c’était cela. Mais quelle analyse jusqu’ici a-t-elle su pénétrer dans cette brousse noire de rancunes ? [...] Plus que jamais donc, l’analyse est nécessaire, c’est-à-dire la rationalité s’agrippant à l’être, à l’être de l’affrontement."

Jacques Berque est en outre l’auteur d’une traduction "presque exégétique" du Coran, pour reprendre la formule d’Alain Mahé. Entreprise au début de l’année 1982, elle est achevée à la veille de sa disparition. Pour lui, "l’islam fut une part de notre vérité historique, interrompue aux sombres époques de la Méditerranée : au XIVe siècle par exemple. De ce point de vue la colonisation a-t-elle été une époque de retrouvailles ou le contraire ? Et l’expansion d’un pseudo-occidentalisme, qui accompagne paradoxalement la décolonisation, n’est-elle pas pour les Arabes le danger le plus terrible : une nouvelle et volontaire expatriation ?".

D’une culture encyclopédique, auteur d’une quarantaine d’ouvrages et de deux cent articles, le professeur ne s’est jamais soucié de faire école. Par un travail rigoureux sur les textes et l’histoire, cet homme de dialogue et passeur entre les cultures et civilisations aura beaucoup contribué à étudier, à faire connaître et à réhabiliter un continent écartelé "entre les grandeurs du passé et les disgrâces du présent."



 15 - 16 juin 2015, "La vie et l’œuvre de Jacques Berque", Tiaret / Centre des études khaldouniennes
 27 - 28 juin 2005, Colloque international "Jacques Berque, la pensée et l’action", Palais de la culture Moufdi Zakaria, Université d’Alger 27 - 30 juin, Tiaret, Frenda



Les citation proviennent d’Arabies, un ouvrage d’entretiens avec Mirese Akar (Paris, Stock, 1978, 1980)

 


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