Pour échapper à tout prix au chômage, à la mal vie et au confinement territorial, alors que tant d’écrans vantent les vertus de la mobilité et du voyage, un groupe de candidats au départ entreprend de traverser clandestinement la Méditerranée avec l’espoir d’atteindre le sud de l’Espagne et l’Eldorado européen. Parce qu’ils doivent être dix pour que l’aventure soit payante pour Hassan le passeur, c’est lui qui se charge de constituer le groupe et de trouver une barque et un moteur. A Mostaganem, une grande ville côtière de l’ouest algérien, entre horizon marin et cités-dortoirs, on assiste alors aux préparatifs qui exigent beaucoup de précautions et le plus grand secret.
Accompagnés par la voix de Rachid le narrateur, lui aussi candidat au départ, nous entrons dans l’intimité et les rêves du premier noyau. Et les imprévus ne manquent pas. Ça commence par le suicide d’Omar après plusieurs tentatives de traversées et autant d’échecs. Il y a là également son ami Nasser, mais aussi Hakim le taciturne qui fut l’un de leurs proches avant de se tourner vers la religion. Il y a ensuite Imene, sœur du suicidé et fiancée de Nasser, qui s’invite et veut à tout prix être du voyage. Il y a enfin quatre autres candidats venus du sud du pays qui rejoignent le premier groupe au jour du départ. Les imprévus culminent avec l’irruption inquiétante d’un personnage qui embarque de force sous la menace d’une arme à feu. Un personnage à cran dont on apprendra que c’est un policier en cavale et dont le caractère irascible va rythmer la traversée.
"Si je pars je meurs ; si je ne pars pas, je meurs. Donc, je pars et je meurs" écrit Omar le suicidé dans sa lettre, reprenant en substance la fameuse sentence de l’écrivain journaliste Tahar Djaout. Pour Merzak Allouache, "ces nouveaux "boat people" sont le symbole du drame que vit la jeunesse algérienne tiraillée entre l’islamisme radical qui crée le kamikaze, l’émeute collective qui embrase très souvent les villes et les villages, le suicide individuel ou la fuite en groupe par tous les moyens d’un pays qui semble figé et n’offre plus rien à ses enfants...".
Mais en s’attelant à son scénario sur l’odyssée de ces migrants clandestins prêts à tout sur des rafiots de fortune, un thème grave sur lequel les fictions et documentaires ne sont pas légion même si on compte déjà dans le lot des œuvres remarquables comme Quand les hommes pleurent de Yasmina Kassari ou plus récemment et dans un autre registre Inland de Tariq Teguia, Merzak Allouache ne pouvait ignorer les difficultés inhérentes à son projet. Entre un film sur les motivations des harragas où encore sur les conditions de vie à l’origine de cette frénésie de partir, au sud de la Méditerranée, le cinéaste dit avoir choisi de s’en tenir à la préparation et au théâtre de la traversée elle-même dans ce qu’ils révèlent sur les attentes et les espoirs des uns et des autres, mais aussi sur les tensions et les contradictions de la maison Algérie.
Sur ce radeau de la dernière chance, Harragas s’efforce donc de poser un regard intime, d’abord sur des individus et des destins en quête d’une vie meilleure. Porté par une voix off qui rappelle tout le tragique de l’entreprise, le film n’en compte pas moins quelques pointes d’humour pour épingler le GPS made in Taïwan ou la boussole de fabrication chinoise. Et puis il réussit un beau casting avec de nouveaux visages comme pour rappeler que le pays ne manque pourtant pas de talents.
Harragas a été tourné à Mostaganem, puis à Sète et Frontignan en France, avec une équipe légère et à l’aide de caméras numériques. L’an dernier, il a été distingué du Grand Prix de la Mostra de Valencia avant d’être triplement récompensé au Festival de Dubaï 2009.
– 1re Diff. TV : 31 août 2011 à 03h40 sur Canal +, 5 septembre à 18h45 sur Canal+ Cinéma, 6/09 à 01h55 sur Canal+ Décalé, 8/09 à 01h15 sur Canal+ Sport, 10/09 à 04h55 sur Canal+ Décalé, 13/09 à 01h15 sur Canal+ Family, 14/09 à 03h15 sur Canal+ Décalé, 14/09 à 19h05 sur Canal+ Cinéma
–Harragas (ﺣﺮﺍﻗـة | Les Brûleurs)
Un film de Merzak Allouache
(90 min., Fr/Alg, 2009)
Avec Nabil Asli (Rachid), Lamia Boussekine (Imene), Seddik Benyagoub (Nasser), Samir El Hakim (Mustapha), Mohamed Takerrat (Hakim), Okacha Touita (Hassan), Yassine Naceur (Omar)
– Sortie en salles : 24 février 2010
Distribution : Jour2fête
Aucune
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