Mohamed Rouabhi a rencontré le poète palestinien Mahmoud Darwich à Paris, puis à Ramallah où le comédien, auteur dramatique et metteur en scène a travaillé, de 1998 à 2001, dans des camps de réfugiés ou des lieux de détention palestiniens. A la disparition de Darwich, Mohamed Rouabhi dit avoir mis plus d’une année à faire le deuil du poète. "J’ai attendu, écrit-il, d’en avoir fini avec la mort du poète. Pour enfin recommencer à lire le poète. Comme une première fois. Avec, comme une première fois, ce sentiment de beauté aveuglante mêlée à de la cendre encore chaude."
En 2009, seul sur scène, il s’attache à faire vivre Discours de l’Indien rouge et Une mémoire pour l’oubli, deux textes de Darwich qui nous parlent de la terre, de la guerre, de l’exil, de l’amour, de la mémoire et du deuil. C’est ce programme qu’il a repris à la Maison des métallos à Paris, jusqu’au 22 mars. Avec une scénographie dépouillée, sa composition de l’Indien en vieux sage impassible, murmurant parfois ses suppliques, est saisissante pour porter un texte riche d’images et de formules puissantes. Dans un autre registre, avec le soliloque d’Une mémoire pour l’oubli, Mohamed Rouabhi trouve aisément le ton pour nous faire partager quelques grands thèmes chers à Darwich comme l’amour et la mort, ici une nuit dans une ville sous les bombes, où notre personnage cantonné chez lui fait de la résistance, entre endurance et coupures d’électricité.
Dans Discours de l’Indien rouge, le poète relie le destin des Palestiniens à celui des Amérindiens spoliés de leur terre en ressuscitant la célèbre supplique adressée en 1854 par Chef Seattle au gouverneur Isaac M. Stevens. "Et il y a des morts, écrit Darwich, qui éclairent la nuit des papillons, qui arrivent à l’aube pour prendre le thé avec vous, calmes tels que vos fusils les abandonnèrent. Laissez donc, ô invités du lieu, quelques sièges libres pour les hôtes, qu’ils vous donnent lecture des conditions de la paix avec les défunts." On peut voir ici la version en arabe de ce poème, lue par Mahmoud Darwich lui-même.
Dans Une mémoire pour l’oubli, un jour d’août 1982 durant le siège de Beyrouth par les troupes israéliennes, un homme est cloîtré dans une des pièces de son appartement dans le quartier ouest de la ville. Dans ce texte entre prose et poésie, l’homme égrène ses doutes et ses réminiscences avant d’être pris d’une irrésistible envie d’un café, dont il dit : "Comment faire pénétrer l’odeur du café dans mes cellules, tandis que les obus s’abattent sur la cuisine ouverte au dessus de la mer, répandant des senteurs de poudre et la saveur du néant ? [...] Je veux sentir l’odeur du café. Cinq minutes. Je veux une trêve de cinq minutes pour un café. Je ne veux rien d’autre que me préparer un café. Cet obsession me donne un but, un objectif."
Le grand poète palestinien Mahmoud Darwich (1941-2008) a publié quelque vingt recueils de poésie, plusieurs ouvrages en prose et de nombreux articles. Son œuvre est traduite dans plus de quarante langues.
Mohamed Rouabhi est né en 1965 à Paris, "d’un père algérien qui combattit dans l’armée française durant la Seconde Guerre mondiale, au sein des bataillons indigènes, et d’une mère qui rejoignit les rangs du FLN pendant la Guerre d’Algérie". De ses parents, il dit aussi avoir été "marqué par leurs récits de captivité". Admis à l’École de la rue Blanche (ENSATT) en 1985, il jouera ensuite dans une quarantaine de spectacle et montera, en 1997, un long poème de Mahmoud Darwich.
Mohamed Rouabhi mène également un travail d’écriture qui le verra publier Les Fragments de Kaposi suivi des Acharnés (1994), Les Nouveaux bâtisseurs suivi de Ma petite vie de rien du tout (1997), Malcolm X (2000) ou encore Providence café (2003).
Darwich, deux textes par Mohamed Rouabhi (extrait)
– 13 et 14 octobre 2017, Montluçon / Théâtre des Ilets – 10 - 22 mars 2015, Paris / Maison des métallos – 8 - 31 juillet 2010, Festival d’Avignon off / Chapelle du verbe incarné, 21G, rue des Lices, 84000 Avignon, Tel. : 04 90 14 07 49
– 7 octobre - 22 novembre 2009, Paris / Maison de la Poésie, Passage Molière, 157, rue Saint-Martin, Paris 3e
–Discours de l’Indien rouge (خطبة الهندي الأحمر)
Traduit de l’arabe (Palestine) par Elias Sanbar (Arles, Actes-Sud, 1992)
–Une mémoire pour l’oubli (ذاكرة للنسيان)
Traduit de l’arabe (Palestine) par Yves Gonzalez-Quijano et Farouk Mardam-Bey (Actes-Sud, 1987)
Avec Mohamed Rouabhi
Et la voix de Claire Lasne
Mise en scène et scénographie : Mohamed Rouabhi
Son et lumière : Nathalie Lerat
Enseignement langue des signes : Béatrice Blondeau
Aucune
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