Ibn Battuta (du nom du grand explorateur et voyageur maghrébin [1304-1377]) est journaliste à Alger. Un reportage sur des affrontements communautaires à Berriane dans le sud du pays le met sur la trace des Zendj, des esclaves originaires d’Afrique noire, dont la révolte mit en péril le prestigieux empire arabo-persan de Baghdad au IXe siècle. Il y a aussi la jolie Nahla (en hommage au film homonyme de Farouk Beloufa), une jeune Palestinienne qui vit en Grèce, un pays en effervescence depuis les manifestations de 2009 contre l’austérité. Née en 1982, l’année tout à la fois de l’invasion israélienne du Sud-Liban, du siège de Beyrouth et du massacre de Sabra et Chatila, elle souhaite remettre les pieds dans le pays où ses parents on vécu, milité et pris les armes, jusqu’au moment de prendre le chemin de l’exil.
Les routes d’Ibn Battuta et de Nahla vont se croiser à Beyrouth qui incarna durant plusieurs décennies les luttes et les espoirs du monde arabe, Beyrouth d’aujourd’hui à la topographie chaotique, aux cicatrices et aux clivages persistants, une ville plus que jamais en proie aux questionnements sur l’avenir, parmi les fantômes des révoltes en cours dans tout le sud de la Méditerranée. A Beyrouth, Ibn Battuta trouvera les ressorts pour étancher sa soif de comprendre en allant jusqu’au bout de sa quête dans les zones marécageuses du Chott al-Arab, au sud de l’Irak actuel. Plus qu’un prétexte, dit le cinéaste, cette référence à la révolte oubliée des Zenj, sous le califat abbasside en Irak, est "une manière de montrer que les luttes traversent les siècles. Je ne voulais pas rendre compte de la disparition des luttes, mais de leur persistance, de leur nécessité, au présent".
Poursuivant le renversement de perspective entamé avec Inland, dans lequel les personnages changent d’avis, tournent le dos au rêve d’Eldorado européen et mettent le cap vers le sud, les lignes de fuite tirent cette fois vers le levant, le Liban et l’Irak sous occupation américaine, via la Grèce où réside aujourd’hui le cinéaste. Avec Révolution Zendj, Tariq Teguia rebranche l’Algérie avec les interrogations et les révoltes en cours en Afrique, en Méditerranée et dans le monde arabe, des luttes que le cinéaste qualifie de "réponses nécessaires, fragiles et obstinées à ce qu’il est convenu d’appeler la mondialisation, soit le capital et ses forces considérables".
Avec un art consommé du cadre et du montage, une attention constamment tendue mise à scruter ses personnages, les motifs et les territoires de leurs tribulations, sans oublier le soin accordé à la bande son et aux irruptions de la musique, Révolution Zendj est le fruit de trois années de recherches, de voyages, d’écriture et de tournages en Grèce, au Liban, en Algérie et en Égypte, en lieu et place de l’Irak, à cause d’autorisations de tournage qui n’ont jamais été accordées. Sur un scénario écrit avec son frère Yacine en 2009, le tournage a commencé en novembre 2010, soit quelques semaines avant que ne débute la révolution tunisienne. 3e long métrage de Tariq Teguia, Révolution Zendj a été récompensé du Grand Prix du Festival de Belfort en 2013.
Révolution Zenj (Thawrat Zanj | Zanj Revolution)
un film de Tariq Teguia
(134 min., Alg/Fr/Liban, 2013)
Avec Fethi Ghares, Diana Sabri, Ahmed Hafez, Wassim Mohamed Ajawi
* Grand Prix Janine-Bazin du Festival Entrevues de Belfort 2013 – Sortie en France : 11 mars 2015
Aucune
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